Françoise Boudier nous a quittés le 13 mai 2022, à l’âge de 94 ans. Avec Jacques Boudier, son époux, elle a ressuscité le Château d’Etelan, laissé à l’abandon après la Seconde Guerre Mondiale.

Pendant plus de 40 ans, elle s’est appliquée avec passion et courage à rendre au château et au parc d’Ételan leur splendeur et à partager avec le public la richesse de ce patrimoine historique et culturel exceptionnel. Elle laisse maintenant à sa famille et à l’association le soin de continuer ce travail de conservation et de transmission.

Vous trouverez ci-dessous plusieurs hommages à la « Dame d’Ételan » dont celui de son fils aîné, Alain Boudier, dans lequel il retrace la vie et l’engagement de sa mère pour le château d’Ételan.

La plupart de ces hommages ont été prononcés dans la chapelle du château à l’occasion du culte d’action de grâce qui s’est tenu le 4 juin. Vous retrouverez par ailleurs la vidéo de la cette celebration en suivant ce lien.

Hommage d’Alain Boudier,
prononcé le 4 juin dans la chapelle du château à l’occasion du culte d’action de grâce.

Je voudrais vous parler d’une femme, d’une épouse, d’une mère, d’une grand-mère…

Je voudrais vous parler de Françoise, de Fanchon, de Maman, de Bonne-Maman…

Je voudrais vous parler de celle qui nous a donné la vie, qui nous a éduqué, qui nous a transmis des valeurs qui lui étaient proches.

La constance,

La ténacité,

Un certain orgueil,

Une prévenance

Une écoute,

… et même de la tendresse

Notre mère est née le 4 juin 1927 au Havre dans une famille protestante.

C’est l’aînée d’une fratrie de 5 enfants.

Elle passe son enfance au Havre.

La guerre de 1939 la jette, avec sa famille sur les routes de l’exode et elle se retrouve successivement à Sancerre puis à Rouen durant toute la durée de la Guerre.

C’est à Rouen, sous les bombes, à ses 16 ans qu’elle rencontre puis se fiance avec celui qui deviendra son mari, Jacques.

Mon Dieu, qu’il avait bon goût !

Mon Dieu qu’elle était belle !

Ils se marièrent en 1947 et décident d’aller habiter le Havre où notre père entreprend de créer une société de représentation industrielle.

Elle a donné naissance à ses trois fils, Alain en 1948, Yves en 1949 (qui nous a quitté en 1994) et Marc né en 1952.

Très vite, elle s’implique dans des associations caritatives et entre à la Croix Rouge au Havre. Elle s’est très investie dans l’accueil des réfugiés hongrois lors des évènements de Budapest en 1956.

Elle a été la collaboratrice dévouée de son mari dont la Société d’agence commerciale prenait de l’importance en gérant toute sa comptabilité.

Femme de contact elle s’intègre dans un cercle d’amis et devient une golfeuse émérite, et une bonne joueuse de bridge.

C’est en 1975 qu’elle s’implique totalement dans ce qui sera l’action phare de sa vie : La sauvegarde puis la restauration d’Etelan.

Citadine, elle a eu quelque mal à vivre le changement d’existence qu’implique la « vie à la campagne ».

Femme de caractère et de détermination, elle s’engage vite dans le projet familial de restauration de ce bâtiment qui nous reçoit actuellement.

Durant plus de 40 ans, on l’a vue dans toutes les réunions professionnelles, artistiques et culturelles du Pays de Caux présentant ou magnifiant ce bâtiment historique.

D’une « ruine » ce château est devenu un lieu « magique » où durant plus de 20 ans les meilleurs artisans locaux ont œuvré à sa « réparation ».

Elle et notre père ont créé une association chargé de valoriser ce site de Saint-Maurice d’Etelan, les  « Amis du Parc et du Château » qui compte actuellement plus de 400 membres et qui va fêter prochainement son 45ème anniversaire.

On la voyait souvent accueillir les visiteurs et leur faire une visite commentée des principales pièces du Château.

0C’est lors d’une visite, qu’une des personnes présentes lui a dit : « J’ai bien compris que vous êtes devenue la Dame d’Etelan », qualificatif qu’elle appréciait particulièrement.

Elle reçoit, des mains d’André Bettencourt, la médaille de chevalier de l’ordre des Arts et lettres.

Notre mère était aussi une femme de conviction qui, protestante engagée, a, durant des années, beaucoup travaillée et échangée dans le cadre d’un groupe œcuménique avec les moines de Saint-Wandrille. Elle savait présenter et défendre ses convictions humanistes et chrétiennes réformées.

Gravement handicapée par une malformation évolutive de sa colonne vertébrale, s’en est allée, sereinement, cette nuit du 13 mai 2022 dans sa 95ème année, lucide, heureuse de voir qu’Etelan continuait à vivre et s’embellir grâce à l’implication de ses deux fils, de sa belle-fille et de ses petits-enfants. Elle était devenue impatiente de retrouver, là-haut, son mari avec lequel elle a réalisé tant de belles choses.

Comment, en si peu de mots, résumer une vie de près de 95 ans ?

Comment, en si peu de mots, transmettre l’immense tristesse qui nous étreint, tous, nous les membres de sa famille et de sa descendance ?

Comment en si peu de mots transmettre à tous la foi et surtout l’immense espoir qu’elle avait dans la vie, l’amour et la Grâce de Dieu.

Je vais reprendre in extenso quelques phrases pleines de sagesse qu’elle nous a laissé, dans son petit carnet noir à spirale où elle notait ses réflexions, ses sentiments, ses espoirs et surtout sa confiance en ses proches…

Je crois en Dieu

C’est le nom de cette onde mystérieuse venant des cieux … et qui m’habite

Je crois en Jésus, fils de Marie (comme le nomme le Coran) qui, côtoyant les méchants, risque sa vie pour nous en disant : « Aimez-vous les uns les autres »

Je crois au Saint-Esprit, cette lumière, source de vie, qui parfois nous inonde, en nous apportant -quelle que soient les souffrances, quel que soit le doute- la JOIE en dedans de nous.

Je suis poussière, retournée à la poussière…

« Vanité, tout est vanité et poursuite du temps »

Ce n’est pas ma personne qui soit intéressante, mais ce que j’ai pu faire de cette vie donnée comme un don, comme un cadeau…

Fais-en une œuvre d’art ! me disait ma maman…

Voilà ce qui me rend heureuse : C’est la « transmission » assurée par mes fils, par Alain, par la famille d’Yves, par Marc.

Qu’ils veillent, eux aussi, à leur propre transmission. Merci !

Elle nous a quitté une nuit de mai 2022, consciente, sereine et heureuse.

Bien sûr, elle laisse un grand vide dans nos cœurs

que son regard,

que son sourire,

que sa présence immatérielle n’arrivent pas à combler totalement.

Mais je vais rester fidèle à sa volonté. Nous ne la pleurons pas car elle est heureuse, la haut, au côté de ses parents, de son frère Jean-Paul, de son mari et surtout de son fils Yves.

ET QUE LA JOIE DEMEURE ! nous disait-elle sans cesse

Hommage de Adrien Otte, Président de l’Association des Amis d’Ételan
prononcé le 4 juin dans la chapelle du château à l’occasion du culte d’action de grâce.

Françoise nous a quittés !

Nous la croyions éternelle !

Le travail accompli avec son mari Jacques et ses enfants est immense et en ce sens elle est de fait éternelle…

Mon épouse, Françoise, et moi-même, l’avions rencontrée autour d’une tasse de thé après un concert donné dans le Château et nous ne l’avons plus lâchée !

Le procès qu’une bénévole ingrate lui a intenté a définitivement scellé les liens qui nous ont unis pendant de nombreuses années…

Nous avons travaillé ensemble dans l’Association dont j’ai accepté, pour elle, de prendre en charge la trésorerie et plus récemment, toujours pour elle mais également pour ses enfants, la présidence par intérim.

Françoise a marqué notre vie dans laquelle elle est rentrée petit à petit pour y rester pour notre grand bonheur.

Au nom de l’Association et en nos nom personnels nous disons adieu à Françoise qui restera pour toujours dans nos cœurs.

Merci Françoise pour la JOIE que tu nous a communiquée à jamais…

Hommage de Simone Arèse, ancienne Présidente de l’Association des Amis d’Ételan
prononcé le 4 juin dans la chapelle du château à l’occasion du culte d’action de grâce.

Notre si lumineuse Françoise…

… en cette dernière image de son balcon coloré, et qui, pourtant, s’était retirée de notre vue, depuis des mois, par pudeur autant que par cette douleur qui la tenait alitée.

Elle n’est plus, semble-t-il, mais nous ne saurions le croire tout à fait car des images d’elle hantent nos mémoires à jamais.

La première fois que je la rencontrai, il y a fort longtemps, elle était assise en sa blanche terrasse, d’ ou, occupée à écosser des haricots, elle gardait néanmoins son bel œil sur l’étendue herbeuse qui courait jusqu’à la Seine, là où les bateaux, si loin, semblent toujours des jouets d’enfants.

Elle abandonna sa passoire pour nous ouvrir son château, pièce par pièce. Nous n’étions alors que trois visiteurs, mais que lui importait car elle avait choisi cette vie nouvelle, retirée du monde, dans le cocon familial d’ ou naîtrait le grand œuvre de restaurer Etelan..

Trente ans, et plus encore, auront été nécessaires pour que soit à présent cette merveille qui nous est donnée aujourd’hui sous les yeux, sublimée par le rouge nouveau des fenestrages récents.

Mais avant cette apothéose il fut nécessaire de toujours surveiller, ne pas fléchir se tenir debout face à l’adversité, et même aux terribles deuils, qui jamais ne se referment, enclos dans le silence des cœurs.

Et il aura fallu supporter les tempêtes ayant abattu les grands arbres de l’allée cathédrale, qui furent replantés, obstinément, tout comme furent  restaurés et remis en place quelques pinacles dissipés – qui eurent la politesse de n’ écraser aucun visiteur, tout comme un arbre évita, d’une seule chute,  de tomber à la fois sur Marc et sur la chapelle. L’unique victime fut le beau tracteur rouge, certes écrasé, mais joliment paré de feuillage ébouriffé.

Et on voudrait me faire croire  que Françoise est disparue, qu’elle est à présent poussière volatile?

Je ne peux le croire.

Je préfère la supposer cachée dans quelque recoin de son château, écoutant, par un bel été, la rumeur des abeilles butinant les tilleuls séculaires.

Je préfère la voir penchée sur quelque tapisserie pour les coussins de la chapelle  car il en reste une, inachevée, au salon.

C’est le signe qu’elle reviendra car elle termine toujours ce qu’elle a commencé.

Elle choisira une belle nuit de pleine lune, pour s’en aller danser avec les fées, qui n’existent pas, mais dont nous aurions tant besoin.

Hommage de Jean-Bernard Leroy, membre du Conseil d’Administration de l’Association

Dès l’instant que j’ai franchi les portes du Château, pour intégrer l’association, j’ai ressenti tout d’abord beaucoup de fierté mais aussi la générosité et l’âme que ce lieu historique dégageait. Ces sentiments étaient, sans aucun doute, les signes de la présence de Françoise Boudier qui a tout donné pour la beauté de ce Château mais aussi pour permettre aux Projets Artistiques d’être accessibles à tous.