Le château d’Ételan, telle la princesse du conte éveillée par le Prince, s’ébrouait de son sommeil hivernal. Et les lutins qui l’animent avaient, pour ce retour à la vie, convoqué un fabuleux personnage, droit venu de la plus haute antiquité : le Phénix, cet oiseau qui renaît de ses cendres – tel le château lui-même, qui dut renaître d’un incendie survenu durant une terrible nuit de juillet 1940. Ce phénix-ci, qui a pour nom Luc Moka, s’était parfaitement adapté à l’ère contemporaine, longtemps professeur de hip-hop et adepte des spectacles de rues. Il surgissait dans le dos des spectateurs, enveloppé d’un grand manteau sombre, dont il se dépouillait, pour danser sa mort et sa renaissance, à l’intérieur d’un décor de tubulures métalliques et voiles blancs symbolisant quelque forêt hantée. Hantée par une musique aux sons mêlés de gargouillis d’eau, sources secrètes courant sous la mousse. Des plumes volaient, et de la cendre. L’homme-oiseau périssait et ressuscitait peu à peu, terminant sa mue victorieuse par un envol (enfin… presque), tout près du plafond qui avait jadis fumé et laissé entrevoir le ciel. L’osmose était totale, et dans son cadre au-dessus de la cheminée Catherine de Médicis en demeurait médusée.

Extrait de la performance de Luc Moka au Château d’Ételan, le 24 avril 2016